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Tony Cadet, une nouvelle vie entre les États-Unis et la Bretagne

La carrière de Tony Cadet a pris un nouveau tournant en fin d’année dernière. Installé en Bretagne, le pilote de cinquante ans a décidé de se lancer dans une nouvelle aventure. Excellent formateur de jeunes chevaux, le sympathique cavalier avait, entre autres, permis de révéler tout le potentiel des talentueux Consul dl Vie, Uppsala del Caballero et Tolède de Mescam. Si le commerce fera inévitablement partie de son futur, Tony Cadet espère bien saisir les bonnes opportunités pour, pourquoi pas, regoûter au haut niveau avec une monture du même calibre que ses deux anciennes complices.

En fin d’année dernière, Tony Cadet a pris un nouveau virage, dans sa carrière et sa vie. Après avoir effectué l’intégralité de son parcours équestre en France, le cavalier de cinquante ans, réputé pour ses qualités de formateur de jeunes chevaux, a décidé de démarrer une nouvelle aventure aux États-Unis. Pas question pour autant de délaisser sa structure hexagonale, sise à Moustéru, dans les Côtes-d’Armor, près de Guingamp. Ainsi, le Breton ambitionne de passer plus ou moins six mois en Amérique, lors de la période hivernale, puis de revenir en France le reste de l’année, pour la saison estivale. “Je travaille pour Janie et Mike Yag, qui gèrent l’écurie Shore Acres Farm. Ils sont clients chez moi, en France depuis plusieurs années, au cours desquelles ils m’ont invité plusieurs fois à venir aux États-Unis.

J’ai fait des concours et ai obtenu de bons résultats. Ils m’ont alors proposé de m’embaucher entièrement. Je leur ai dit que je voulais bien venir l’hiver, lorsqu’il n’y a pas de concours en France et essayer de développer quelque chose outre-Atlantique. Le reste du temps, je reviens en France, dans mes écuries, que j’ai conservées. J’ai une super cavalière qui monte et fait travailler les jeunes chevaux en mon absence”, explique Tony Cadet. “Toute ma carrière, j’ai monté beaucoup de chevaux difficiles, avec lesquels d’autres cavaliers ne s’en sortaient pas. Parfois, on n’a pas toujours le sentiment d’être reconnu pour le travail effectué avec ces chevaux-là. Je sais que j’aurais toujours du travail en France, mais je voulais me lancer dans une nouvelle aventure, avoir une autre expérience. Cela me motive et je n’aurais pas supporté de rester à rien faire !”

Pour son premier séjour longue durée en Amérique, Tony Cadet a observé et analysé les besoins et envies de la clientèle étatsunienne. “L’objectif est de former des chevaux de qualité en France, bien adaptés au marché américain, puis de les importer là-bas, idéalement en fin d’année de sept ans, et de les vendre”, précise-t-il. “Aux États-Unis, ce n’est pas toujours facile de trouver des professionnels à embaucher. Il y a beaucoup de jeunes cavaliers, qui montent formidablement bien, mais qui n’en font pas leur métier par la suite.” Si l’idée première est axée vers le commerce, aussi bien en saut d’obstacles qu’en hunter, discipline très développée chez les équitants américains, le pilote tricolore ne ferme aucune porte. “Mes propriétaires outre atlantique sont très ouverts. Si nous retrouvons des chevaux pour sauter de beaux parcours, ils seraient tout à fait partants pour en conserver un ou deux. J’ai la chance de pouvoir décider quand vendre ou conserver un cheval. L’an dernier, à Fontainebleau, Janie et Mike avaient acquis une jument de sept ans, Etonemoi Del Cabalero (SF, Air Jordan x Le Tôt de Semilly). Ils étaient prêts à la garder, mais je leur ai dit qu’il fallait la vendre. Il est important que les autres professionnels soient conscients que nous faisons du commerce. Mais le jour où je retrouverai un cheval pour sauter plus haut, nous essayerons peut-être de reformer une équipe de France pour la Coupe des nations en Floride ! Ce serait sympa de monter aux côtés d’Éric Navet ! (rires)”, se projette Tony Cadet, visiblement épanoui dans sa nouvelle organisation.

En élargissant son cercle de contacts des deux côtés de l’Atlantique, le Breton espère développer un projet pouvant bénéficier à tous. “J’espère aussi pouvoir aider mes clients à mieux commercialiser leurs chevaux. Tous ont très bien compris ma démarche de me rendre aux États-Unis cet hiver. Cela va être bénéfique pour tout le monde. Dans ma carrière, j’ai eu la chance de tomber sur deux très bonnes juments avec Uppsala Del Cabalero, (Kannan x Le Tôt de Semilly, ndlr) et Tolède de Mescam, (Mylord Carthago x Kouglof II, ndlr). Elles étaient formidables mais si j’attends qu’il y en ait d’autres de leur calibre qui arrivent, cela peut être long !”, reprend le pilote, qui a conservé tous ses propriétaires habituels en France, à l’exception du Groupe France Élevage, qui a préféré récupérer ses étalons, dont Eden du Rouet. “J’ai pris Eden à trois ans parce que personne ne voulait le monter. Je l’ai formé jusqu’à ses sept ans, en participant aux finales de Fontainebleau à chaque fois et aux championnats du monde de Lanaken en 2021. Je m’attache beaucoup à mes chevaux et cela a été difficile de le voir partir, d’autant plus qu’il était extrêmement gentil. On passe forcément beaucoup de temps avec les chevaux délicats et je leur donne toujours leur chance. Je suis toujours Eden, mais c’est la vie, il faut l’accepter. Cela avait été pire avec Consul Dl Vie (Z, Clinton x Heartbreaker, qui a terminé sa carrière sur le circuit Jeunes avec Ramatou Ouedraogo, ndlr), qui était vraiment mon cheval et avec qui j’avais beaucoup fait (le Breton l’a monté pendant sept ans, ndlr). Idem pour Tolède. J’ai commencé à sauter à 1,25m avec elle, puis, en deux ans, j’ai participé à des Coupes des nations, j’ai remporté une épreuve 5* à Dinard, évolué à 1,60m, puis elle est partie du jour au lendemain, alors que je n’étais même pas là. Dans ce métier, il faut accepter que des chevaux soient vendus, sinon il faut être propriétaire de tous ceux que l’on monte”, relativise Tony Cadet. “J’ai passé beaucoup de temps dans ma vie à m’occuper des chevaux des autres. Aujourd’hui, j’ai aussi envie de penser à ma famille, de découvrir de nouveaux horizons, tout en restant dans les chevaux. “Ma femme et ma fille me suivent aux États-Unis. Cela permettra à ma fille de devenir bilingue et puis nous voyons et vivons autre chose. C’est plutôt sympa !”

Installé à Naples cet hiver, en Floride, le Français pourra bénéficier dès l’an prochain d’une nouvelle écurie, directement basée à Wellington. De quoi envisager l’avenir sereinement, d’autant que cette première expérience a été une réussite. “Pour l’instant, mes propriétaires sont très contents. Je n’ai fait que des bons concours et j’ai été plutôt performant dans les épreuves. Tout cela s’est concrétisé par des ventes, donc mon premier hiver a plutôt été bénéfique. Ce n’est pas toujours facile de s’intégrer, mais j’ai gagné deux ou trois fois sur la grande piste de Wellington, dans des épreuves à cent partants, avec tous les grands cavaliers habitués de la Floride. Cela m’a rendu la tâche plus aisée et mes collègues me disent volontiers bonjour lorsqu’ils me croisent. Même McLain Ward me salue en français, avec un bon accent !”, sourit le Breton. Aux États-Unis, ce dernier a dû s’habituer à une toute nouvelle organisation, loin de ce à quoi il était habitué en France. “Les deux premiers mois ont été assez difficiles pour moi. En France, nous montons beaucoup de chevaux dans la journée. Là-bas, nous avons un groom pour trois chevaux et l’organisation de la journée est totalement différente. En plus, je ne passe pas la barre dans la carrière ni la débroussailleuse et je ne tonds pas la pelouse ! (rires) En revanche, nous avons l’avantage de pouvoir monter nos chevaux deux fois dans la journée et leur consacrer plus de temps. Je commence à m’adapter à tout cela et je fais de mon mieux pour que tout se passe bien”, détaille Tony Cadet. Même pendant l’hiver, le pilote a fait quelques escales en France, pour s’occuper de ses montures restées en Bretagne et aider sa cavalière, qui est encadrée par Loïc Gloaguen, un ami basé à Rennes. Du côté des États-Unis, une amazone a également été engagée pour s’occuper de l’écurie lors de son absence.

À Wellington, où se concentre une grande partie de l’agitation équestre aux États-Unis, toute la ville vit au rythme des chevaux. Exit les trottoirs, remplacés par des allées cavalières et hello les feux rouges réservés aux équitants. Chaque année, les propriétés, plus belles les unes que les autres, se remplissent pour préparer la saison. Du mardi au dimanche sans exception, les diverses pistes de Wellington International tournent à plein régime, tant pour les jeunes pousses que les cavaliers chevronnés, à l’image des nombreux Européens posant leurs valises en Floride pour l’hiver, que pour le commerce, florissant de l’autre côté de l’océan. Ensuite, et en raison du climat, les allées se vident. Mais, en se lançant dans cette nouvelle aventure, Tony Cadet s’est surtout plongé dans une toute nouvelle culture, différente de celle qui règne en France.

“En tant que cavalier, que professionnel aux États-Unis, si nous faisons bien notre métier, nous gagnons bien notre vie. En France, les propriétaires ont tendance à penser qu’il est normal que nos revenus soient moyens, car nous exerçons un métier passion, à l’inverse des Etats Unis où la compétence est reconnue. Nous n’avons pas la même vision des choses. Mes propriétaires sont contents que je remporte des épreuves et que je mette leur écurie en avant, donc ils sont aussi contents que je gagne correctement ma vie”, constate Tony Cadet, qui souligne que les prix des prestations sont davantage élevés outre-Atlantique.

“Il y a également une différence chez les cavaliers amateurs. Ils ne sont pas dans les chevaux pour gagner de l’argent. En France, beaucoup de personnes souhaitent acheter des jeunes chevaux en se disant qu’ils les revendront plus cher plus tard. En Amérique, ils sont conscients qu’ils vont dépenser de l’argent pour leur loisir. Un amateur monte un cheval de douze ou quinze ans, qu’il achète clefs en main, avec de la sécurité. La qualité des montures dans les épreuves U25, par exemple, est remarquable. On ne voit jamais de mauvais parcours ; les jeunes sont encadrés avec les meilleurs coaches possibles et ont une vraie qualité d’équitation. Sur les épreuves 50, 60, 80cm ou 1m, il n’y a pas une mauvaise distance, pas une georgette, pas un taxi. En revenant en France, on peut voir des cavaliers évolués sur 1,10m mais qui devraient sauter 80cm. Aux Etats Unis, ils n’hésitent pas à acheter un cheval d’1,30m pour faire des épreuves à 1m et augmenter en niveau progressivement. La plus grande différence est là : en France, on essaye souvent d’évoluer sur 1,50m avec un cheval fait pour sauter 1,40m. Aux États-Unis, la réflexion fonctionne dans l’autre sens.” Une chose est sûre, Tony Cadet semble épanoui et plus prêt que jamais à relever ce nouveau défi passionnant.